Intervention de Guy SARRADO, Maire de Saint Agnan (58230)
Aux Assises de l’éolien en Morvan
27 Novembre 2017
Depuis une quinzaine de jours, un mât de 124 m, bien visible, destiné à mesurer la puissance et les turbulences du vent, s’élève sur la commune de Saint-Léger Vauban, à moins d’un kilomètre du lac de Saint-Agnan.
Cette installation fait suite à la décision du conseil municipal de Saint-Léger Vauban d’accepter la construction par la société ABOWIND d’un parc éolien de six à huit unités sur son territoire.
Au printemps dernier, la nouvelle a transpiré dans la population de Saint-Agnan, et c’est par des administrés qui s’en sont émus que les élus ont été informés.
Alors que la commune de Saint-Agnan, voisine directe de Saint-Léger Vauban, est directement concernée, jamais les promoteurs de ce projet éolien n’ont daigné prendre de contact avec ses élus. Je ne leur ferai pas l’injure d’ignorer qu’ils allaient investir dans le périmètre d’un site sensible, le site du lac de Saint-Agnan.
Voilà des méthodes sournoises qui ne peuvent pas donner confiance dans ces promoteurs… On ne peut que regretter que Saint-Léger Vauban ait succombé à ces sirènes au portefeuille bien garni.
Cependant, bien que je pense que l’on ne peut pas tout accepter pour de l’argent, je ne jetterai pas la pierre à mon collègue qui a pu voir une opportunité financière pour soulager sa trésorerie communale, dans cette période difficile où les collectivités locales voient leurs ressources de plus en plus amputées.
Dans une région comme le Morvan où la qualité des paysages est un atout important, n’aurait-il pas été logique et simple sinon d’associer, au moins d’informer dès le départ, toutes les communes directement impactées par le projet, et de prendre en compte leurs doléances, plutôt que d’engager déjà des dépenses qui, je le souhaite, ne serviront à rien ! On est bien loin de la concertation prônée par Monsieur le Ministre !
Situés en crête, donc particulièrement visibles, les mâts d’éoliennes dépasseront de 100 mètres le point plus haut de la commune et impacteront obligatoirement tout le patrimoine paysager environnant, voire même relativement loin. Ainsi, au vu des coupes de relief, il est probable qu’ils seront visibles depuis la colline de Vézelay, un joyau classé au patrimoine mondial de l’humanité et dont le cadre, proche comme lointain, devrait être préservé.
Plus près de nous, il est inadmissible que l’on puisse envisager de polluer un site majeur comme celui du lac de Saint Agnan, l’un des Grands Lacs du Morvan qui figure parmi les pièces maîtresses du développement socio-économique local grâce à son caractère préservé et sauvage, précisément ce qui séduit les personnes qui visitent et séjournent quelque temps dans la région.
Il suffit de les écouter pour comprendre combien l’installation d’éoliennes aura des conséquences fâcheuses sur le tourisme dont l’importance pour le Morvan d’aujourd’hui n’est plus à démontrer.
A ce préjudice, il faut ajouter celui fait à la population locale qui risque de voir la valeur vénale de leur maison chuter d’environ 30 %, pourcentage constaté à ce jour avec une certaine dispersion selon l’équilibre entre la demande et l’offre et selon l’éloignement des éoliennes.
Si, dans la vie courante vous portiez ainsi préjudice à vos voisins, vous imaginez facilement ce qui se passerait !
Les éoliennes en question seront installées en zone boisée.
Il faut savoir que pour chaque mât la construction impose une aire de grutage d’une surface de 25 ares, à laquelle il faut ajouter d’une part 20 ares pour les travaux et d’autre part l’élargissement ou la création éventuelle d’accès.
Détruire de la forêt dont nous avons plus que jamais besoin pour lutter contre les gaz à effet de serre, détruire un gisement d’énergie renouvelable pour installer une production d’énergie renouvelable, voilà qui en soi semble très discutable !
D’ailleurs, dans une réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée au JO du Sénat du 2 novembre dernier, il y est affirmé que (je cite) « le milieu forestier, de par ses caractéristiques et enjeux propres, ne constitue pas naturellement un secteur d’implantation pour les projets éoliens… »
Il est vital de préserver la qualité environnementale du site de Saint Agnan, mais aussi de tous les sites phares du Morvan, de tout le patrimoine paysager de notre parc régional. D’ailleurs, les conseillers municipaux de Saint-Aignan l’ont bien compris, au-delà de leurs convictions et sensibilités, en s’opposant à tout projet éolien qui défigurerait leurs espaces.
Protéger les espaces Morvandiaux, mais aussi protéger les espèces sédentaires ou de passage.
Quand j’évoque les espèces, il est bien évident que je parle de l’avifaune. L’impact des éoliennes et de leurs pales sur les oiseaux et les chiroptères est un dommage collatéral, un sujet trop souvent sous-estimé, voire ignoré du grand public, minimisé par les acteurs de l’éolien.
Trop souvent, également, l’analyse s’arrête aux oiseaux emblématiques particulièrement recensés en danger, mais il existe de plus en plus d’espèces en régression actuellement encore pas répertoriée en danger.
Dans les débats sur l’éolien, on cite souvent l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, l’ADEME, pour minimiser l’impact des éoliennes sur les oiseaux.
L’ADEME dit par exemple que chaque éolienne tue en moyenne entre 0,4 et 1,2 oiseau par an. Cette information fantaisiste est basée sur les statistiques de valeur scientifique douteuse établie par des consultants, des bureaux d’études soucieux de plaire à ceux qui les emploient, les promoteurs éoliens.
En effet, pour réussir à tromper notre perception de la mortalité due aux éoliennes, les promoteurs ont obtenu la coopération des O.N.G. ornithologiques (comme la LPO par exemple).
Les études d’impact aviaires étant du ressort des promoteurs, à coups de donation et de contrats multiples (études d’impact pour les projets éoliens, suivi de mortalité avienne une fois le projet construit, études ornithologiques variées), l’industrie éolienne a réussi à obtenir cette coopération et est ainsi devenue le principal employeur d’ornithologues de l’Union Européenne.
Nombre d’entre vous risque d’être surpris mais, si on se réfère à des organismes indépendants, les chiffres sont bien différents de ceux de l’ADEME.
En Allemagne, l’ornithologue Bernd Koop a estimé la mortalité annuelle entre 60 et 100.000 oiseaux par gigawatts de capacités éoliennes installées. Pour les 39 GW que comptent nos voisins d’Outre-Rhin, cela ferait entre 2.340.000 et 3.900.000 oiseaux morts par année !
Cette estimation rejoint celle établie par la société ornithologique espagnole SEO Birdlife qui a réussi à obtenir les copies de 136 études de suivi de centrales éoliennes que le gouvernement espagnol avait archivé sans les publier.
Les 18.000 éoliennes d’Espagne tueraient en moyenne entre 6 et 18 millions d’oiseaux et chauves-souris par an. Cela reviendrait à une mortalité de plus de 100 oiseaux et plus de 200 chauves-souris par éolienne et par an.
Ces chiffres surprenants pourraient être exagérés ou fantaisistes. Pourtant, ils rejoignent ceux des instituts ornithologiques indépendants de Suède ou des États-Unis par exemple ; ils rejoignent aussi les premières estimations d’il y a une vingtaine d’années.
Pourquoi les éoliennes françaises seraient-elles moins tueuses ?
En considérant une position moyenne entre ces estimations, c’est près de 2 millions d’individus de l’avifaune qui seront massacrés par les 6.000 éoliennes françaises cette année…
Dans leurs analyses, tous s’accordent à relever que les éoliennes les plus meurtrières pour l’avifaune sont situées :
- en zone forestière
- ou à proximité de zones Natura 2000,
- ou dans les couloirs de migration.
Et que les espèces les plus touchées sont :
- les rapaces,
- les passereaux,
- et les chauves-souris.
Qu’en est-il des éoliennes projetées à Saint-Léger Vauban ?
Elles seront installées en forêt (malgré les recommandations du Ministère de la transition Energétique et Solidaire),
Elles seront proches (1.000 à 2.000 m) de zone Natura 2000, en l’occurrence :
- les rives amont du lac de Saint-Agnan avec le domaine des Grands Prés,
- la vallée du ruisseau le Vernidard et l’étang du même nom.
Elles seront dans les corridors de migration – faut-il le démontrer ?
Ce seront les cigognes elles-mêmes qui sont venues nous le rappeler, ici même, à Saint Brisson.
Et pas seulement les cigognes… le 13 novembre dernier, des centaines de grues cendrées faisaient escale dans notre région. Certaines d’entre elles ont survolé longuement le lac de Saint-Agnan. Que serait-il advenu d’elles si les éoliennes avaient été construites ?
Et puis, d’autres oiseaux plus petits, et souvent on l’ignore, utilisent cette voie migratoire. On pense tous aux hirondelles, bien sûr, mais aussi les gros-becs, les chardonnerets par exemple, etc.
Les chardonnerets, en 10 ans, ont perdu 40 % de leur population et risquent de disparaître définitivement dans les 10 années à venir. Faut-il en rajouter ?
Quant aux rapaces, ils sont attirés par les petits animaux qui utilisent l’espace ouvert au pied des éoliennes, ce qui leur est généralement fatal, surtout pour les jeunes. Comme nous, ils sont trompés par la vitesse des pales en mouvement.
Qui d’entre nous a su estimer que l’extrémité d’une pale se déplace entre 200 et 300 km/h ?
En France, il existe 97 espèces différentes dans les oiseaux victimes, dont 75 % sont protégées.
En ce qui concerne les chauves-souris, c’est clair ! Toutes celles qui s’approchent d’une éolienne sont tuées. Pourtant, leur sonar fonctionne bien et détecte parfaitement les obstacles. Par contre, elles sont victimes de phénomènes de barotraumatisme provoqué par la formidable dépression causée par le passage des pales. La variation brutale de pression atmosphérique cause des hémorragies internes qui leur sont immédiatement fatales.
L’expérience des 20 années passées nous incite à la prudence et on ne peut pas tout tolérer sous couvert de production d’énergies renouvelables.
Énergies renouvelables oui mais pas contre la nature. En ce sens, le projet de Saint-Léger Vauban doit échouer.
Châtillon-Sur-Seine